La non application de la formule du Livret A ou l’impossible équilibre de marché dans un secteur administré
Par application des conclusions du rapport sur l’équilibre des Fonds d’épargne de janvier 2003(1), le gouvernement de M. RAFFARIN avait décidé de mettre en place une formule de détermination du niveau de l’indice. Ce choix avait un double objectif :
- Réinsérer le livret A dans son environnement concurrentiel de marché
- Exonérer le gouvernement de responsabilité de la fixation de ce taux (retour à l’esprit de la loi bancaire de 1984).
Depuis, la première formule d’application de 2004 a été successivement modifiée en 2008, puis en 2009 et dernièrement en novembre 2016. Chaque réforme ayant pour objectif de mieux adapter le niveau de l’indice au contexte de marché et à préserver l’équilibre des Fonds d’épargne a abouti à une nouvelle distorsion… si bien que la dérogation à l’application de la formule est devenue la règle.
Ainsi, en 2008 les modifications de formule visaient à mieux corréler le taux du Livret A aux indices monétaires court terme sous fortes tensions haussières. En 2009, il a fallu constater que les variations brutales de marché décorrélaient l’indice du contexte : le gouvernement a donc opté pour une révision trimestrielle des taux sous conditions. En 2016, après un cycle dérogatoire de plusieurs années, il a été convenu que le Livret A était surévalué par rapport au marché et qu’il fallait le laisser diminuer dans la limite d’un taux d’intérêt réel positif. Ce dernier objectif ayant été abandonné dès la première mise en application.
Ainsi, dès sa première mise en application, la nouvelle formule du Livret A de novembre 2016 ne sera de nouveau pas appliquée. Le gouvernement a en effet choisi de suivre l’avis du gouverneur de la BdF favorable au maintien de l’indice à 0,75%. Les arguments plaidant un maintien du taux au niveau actuel sont sérieux, la surévaluation du Livret A par rapport aux marchés monétaires mettant en difficulté les Fonds d’épargne. Cette décision, rassurante pour le secteur du Logement social(2), repousse toutefois encore un peu plus loin de Livret A en dehors de la catégorie des indices de marché.
Si l’on s’interroge sur les avantages d’un indice de marché, on avancera essentiellement qu’il peut-être modélisé, que les contrats financiers qui y sont indexés sont liquides (et donc cessibles) et qu’il peut y être adossé des stratégies de couverture. La principale contrainte étant la forte volatilité.
Alors que la corrélation théorique entre Inflation et Livret A augmentait avec la dernière révision de formule, il faut constater que la gestion du risque financier lié à la décorrélation entre des charges indexées en livret A et des produits principalement indexés sur l’inflation demeure en l’état actuel une question pour les organismes de logement social dans le cadre d’une bonne gestion financière.
Le marché continue toutefois de fonctionner sous l’hypothèse d’application de la formule, le secteur de la dette des OLS est financiarisé et la gestion de l’encours est un outil d’ajustement puissant des équilibres financiers. La CDC travaille à valeur actuarielle constante sur les arbitrages d’indices, mais on peut s’interroger sur la pertinence de cette méthode si la projection de la formule est systématiquement non appliquée.
Cette décorrélation entre méthode et réalité génère des opportunités d’arbitrages. Ainsi, la non application de la hausse du Livret A va générer une perte d’opportunité sur les arbitrages réalisés avant l’annonce.
Article rédigé par : Charlotte VALETTE, consultante Loré
(1) Rapport sur l’équilibre des Fonds d’épargne
(2) Et qui a pris le dessus, sur les arguments en faveur d’une hausse des taux et donc de soutien aux épargnants dans un contexte complexe d’évolution du code du travail.