Publié le 11/01/2018

Analyse des contreparties financières à la RLS

Temps de lecture : 14 minutes

Le gouvernement prévoit des mesures d’accompagnements financiers pour permettre aux bailleurs sociaux de se réorganiser et d’absorber la baisse de ressources qui leur est imposée (RLS). Il s’agit donc d’évaluer l’impact de ses mesures, d’apprécier les enjeux des leviers proposés et d’apporter des éléments stratégiques aux organismes.

Le gel du Livret A jusqu’en 2020

En volume, la principale mesure d’accompagnement face au RLS du gouvernement est le gel du Livret A à 0,75% jusqu’en 2020. Il évalue ainsi une économie associée de 675 M€ / an en 2018 et 2019.

Or, l’impact financier de cette mesure dépend essentiellement de l’écart futur entre la formule d’application du taux du Livret A et le taux figé de 0,75%.

Le montant ainsi évalué par l’Etat se base sur un différentiel de taux de 0,75% en 2018, mais ne tient pas compte :

  • Des mécanismes de fixing (préfixation de la charge)
  • De la périodicité des prêts (essentiellement annuelle)
  • De l’évolution du stock d’encours depuis 2015

Or les estimations actualisées en janvier 2018 sur l’évaluation future du Livret A sont les suivantes :

  • 1% au 01/02/2018
  • 1,25% au 01/02/2019
  • 1,50% au 01/08/2021

Ainsi, sous l’hypothèse (i) du maintien du rythme de croissance de l’endettement du secteur, (ii) de la part de l’encours indexé sur Livret A, (iii) du maintien de la marge moyenne sur Livret A délivré et (iv) des structures d’amortissements retenues, l’évaluation révisée du gel du Livret A s’élèverait à 210 M€ en 2018 et 355 M€ en 2019.

Graphique Livret A

On note également que, dans un contexte où la hausse du Livret A est portée par l’inflation, exonérer le Livret A des pressions haussières revient à rejeter le principe selon lequel le Livret A doit a minima préserver le pouvoir d’achat de l’épargnant.

L’allongement de la dette et les prêts bonifiés, une solution en forme de fuite en avant

Le second champ de mesures proposé relève du réaménagement de l’encours de dette. Il s’agira notamment pour les bailleurs d’allonger partiellement leurs encours sur des durées pouvant aller jusqu’à 10 ans.

La CDC est en effet mandatée par le gouvernement pour apporter des solutions financières permettant aux organismes de gérer la phase de transformation du secteur. Cet accompagnement pourra prendre la forme d’un processus semi-administré géré par les Caisses Locales via l’application d’un mode opératoire défini par le siège ou de réaménagement “sur-mesure”.

L’objectif budgétaire devra préalablement être défini et encadré par les organismes. L’aménagement de la dette sera une réponse technique à la situation.

Lore finance présente sa méthodologie dans ses ateliers-débats et accompagne les organismes dans la stratégie de réaménagement de l’encours via des missions spécifiques.

En savoir plus…

Le lien entre durée de vie des prêts et horizon budgétaire est un pilier du dimensionnement de la stratégie. A titre d’illustration, pour obtenir une diminution de l’annuité de 1 M€, il est possible d’allonger de 10 ans 20 M€ de dette de durée de vie résiduelle 10 ans ou 120 M€ de dette de durée de vie résiduelle 30 ans. Le travail sur les paramètres/caractéristiques de l’encours présente également des leviers sur lesquels il est indispensable de s’interroger afin de construire une stratégie adaptée à l’évolution patrimoniale et financière de la structure.

Dans la mesure où la neutralité actuarielle ne pourra vraisemblablement pas être respectée par la CDC lors des réaménagements (la baisse de marge étant probablement limitée à 0,3%), les mesures d’allongement généreront mécaniquement une hausse du coût de la dette sur la durée de vie totale. Pour une meilleure appréhension du mécanisme, il peut être utile de préciser, en guise d’illustration, que pour maintenir la neutralité actuarielle d’un prêt sur Livret A +1% de 10 ans de durée de vie après allongement à 20 ans (avec maintien de la structure d’amortissement), la marge sur Livret A doit diminuer de 0,42%.

Enfin, toutes les mesures de réaménagement des encours devront faire l’objet de réitérations des garanties par les collectivités locales. Il conviendra pour les organismes d’être persuasifs et didactiques pour convaincre d’augmenter l’octroi des garanties à des organismes fragilisés (du moins ponctuellement) dans un environnement comptable et financier où les engagements hors bilan sont de plus en plus réintégrés dans l’analyse.

La réforme prévoit également, en guise de soutien à l’investissement, de proposer des prêts à taux bonifiés aux organismes :

  • 4 Mds € de prêt à taux fixe In Fine de 15 ans-25 ans (2 Mds € par la BEI et 2 Mds € par la section Générale de la CDC)
  • 2 Mds € PHB (financé à hauteur de 1 Md€ par action Logement et 1 Md€ par la centralisation des dépôts de locataires),
  • +200 M€ d’éco-PLS.

Il convient de rappeler toutefois que ces mesures visant à ralentir le rythme d’amortissement de la dette génèrent des risques à appréhender tels que l’augmentation de la décorrélation entre la durée de vie moyenne du passif et la durée de vie de l’actif, l’augmentation du coût financier à terminaison des opérations et donc la diminution de la capacité d’investissement à moyen et long terme des organismes.

Par ailleurs, le gouvernement prévoit que l’augmentation des cessions d’actifs (facilitées par des évolutions réglementaires à définir) permettra aux organismes de reconstituer leurs fonds propres et d’améliorer leur capacité d’investissement. Actuellement, le secteur vend 8 000 logements par an, quand l’objectif du gouvernement s’élève à 40 000 et que le protocole d’accord du 13 décembre opte pour 20 000. Si, en pratique les ventes HLM sont faibles, c’est en effet parce que la réglementation est contraignante mais pas uniquement. Si les causes sont multiples, une raison importante est que les cessions ne s’inscrivent pas dans la logique patrimoniale des organismes dans la mesure où les biens cessibles par les marchés sont principalement les biens qui génèrent de l’autofinancement. On citera également rapidement les coûts induits des créations de copropriété, le faible attrait des locataires pour l’achat de leur bien (10%) et la mauvaise convergence entre offre/demande de logement.

Les alternatives en négociation : que peut-on attendre de la conférence de consensus sur le logement et de la loi ELAN ?

  • Engagement sectoriel en faveur d’une réorganisation avec une taille minimale d’organisme (en terme de logement) et une taille minimale de groupe,
  • Créer un outil de type ‘groupe d’office HLM’.

Inspirée par le groupement ‘Habitat Réuni’ (13 Coop HLM et 16 ESH), la FOPH propose de créer un nouveau type de structure pour renforcer la mutualisation des moyens des OPH : les « communautés d’offices » en alternative aux regroupements .

Ces communautés auraient un statut de SA de type coopératif (via modification du CCH) à capital variable et seraient donc dotées d’une personnalité morale propre. Si, dans un premier temps, elles regrouperaient des OPH (au minimum 3), elles pourraient ultérieurement être ouvertes aux autres organismes HLM ainsi qu’aux collectivités territoriales et EPCI. Les offices membres conserveraient leur propre personnalité morale et le lien avec leur collectivité de rattachement. Un seuil en deçà duquel les OPH devront obligatoirement rejoindre une communauté, s’établit dans une échelle encore large « allant de 5 000 à 15 000 logements », les autres offices étant libres de s’y associer ou non.

L’objectif est d’aller au-delà des mutualisations existantes dans un GIE ou un GIP et de mettre en commun des missions et des moyens dans une entité autonome financièrement. La fédération envisage que ces communautés puissent accorder des prêts à ses membres, nouer des partenariats avec des banques pour développer des fonds permettant d’accéder à des prêts à tarifs préférentiels, ou encore que les adhérents puissent se consentir mutuellement des avances. Ces mesures nécessitent également des évolutions législatives.

Les communautés d’offices seraient dotées de compétences obligatoires :

  • La mise en commun de ressources,
  • La mise à disposition de moyens,
  • L’obligation de se doter d’une identité de marque propre (pour que chaque membre conserve la sienne) ,
  • Le développement d’outils nécessaires pour lutter contre la corruption,

D’autres compétences « à la carte » pourraient être intégrées, telles que :

  • Réaliser des opérations de maîtrise d’ouvrage en nom propre de la Communauté, avant mise à disposition aux membres,
  • Gérer l’exploitation de logements foyers,
  • Mutualiser des fonctions supports

Comment la concentration des acteurs peut générer de l’efficacité économique ? Les pistes financières et techniques

La concentration n’a de sens que si elle est au service de l’efficacité économique 

  1. Augmentation des ressources de la structure consolidée et baisse des dépenses. Les ressources humaines et SI sont les sources principales d’optimisation des coûts
  2. Financement de la transition dans un contexte de tensions budgétaires. La capacité de la CGLLS à absorber les coûts de fusion serait mise en cause dans un contexte de hausse importante des rapprochements.

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Ressources :

Article 52 – PLF 2018

Avant Projet loi logement synthèse – décembre 2017

Conseil constitutionnel PLF 29 décembre 2018

Moody’s – note sur les bailleurs sociaux

 

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