Réaménager sa dette pour se libérer des tensions de trésorerie
Charlotte VALETTE, consultante, rappelle les fondamentaux et bonnes pratiques en matière de gestion de la dette, même si chaque cas reste particulier. Toute la difficulté consiste à adapter sa stratégie en fonction des fluctuations des marchés et des capacités financières de la collectivité. Des arbitrages subtils à savoir maîtriser pour gérer au mieux ses finances.
Quel est l’intérêt pour une collectivité locale de réaménager sa dette ?
L’aménagement de la dette fait partie des leviers utilisés par les collectivités pour trouver des marges de manœuvre budgétaires. Deux types d’action sont possibles :
- l’arbitrage, qui consiste à refinancer un encours par un emprunt de même nature à un taux plus faible
- le refinancement, qui génère une restructuration de l’encours pour qu’il soit plus en adéquation avec les contraintes financières de la collectivité.
Parfois, l’arbitrage génère le refinancement, c’est-à-dire que, face à un emprunt trop coûteux, on peut changer la structure de l’amortissement ou le consolider avec un autre prêt, de manière à avoir un encours plus lisible ou plus adapté, et ainsi se libérer des tensions de trésorerie.
Est-ce le bon moment pour renégocier sa dette ?
Il y a eu une très bonne fenêtre fin 2014 et jusqu’à mai 2015, juste avant que les taux ne commencent à remonter, même s’ils restent encore à des niveaux très faibles. La méthode est assez simple. Il faut analyser son encours de dette, ligne par ligne, et étudier les conditions de remboursement anticipé les unes après les autres, puis calculer leur coût et le comparer avec le coût de refinancement.
Si le refinancement permet de générer une économie supérieure au coût du remboursement anticipé, il existe une opportunité d’arbitrage. Renégocier sa dette peut aussi être l’occasion de rééquilibrer la répartition de son encours entre taux fixe et taux variable.
La renégociation est-elle possible quelle que soit la structuration de la dette ?
Elle est techniquement toujours possible, mais l’intérêt financier est très variable en fonction des contextes. De fait, passer d’un taux variable à un taux fixe est simple et ne génère quasiment pas de surcoût, puisque les conditions de sortie sont fondées sur des indemnités forfaitaires (1 ou 2 mois d’intérêt, x % du capital restant). Il suffit de comparer le coût de la marge lors de la souscription du prêt et le coût actuel, puis renégocier.
La situation est très différente pour passer d’un taux fixe à un taux variable, car les pénalités de remboursement anticipé sont dissuasives. Toutefois, si les taux ont augmenté par rapport à ceux de la souscription du prêt, il est possible de basculer à taux variable sans frais. En revanche, si les taux ont diminué, la banque applique à l’emprunteur la perte de rendement que constitue pour elle le remboursement anticipé du prêt, ce qui risque de figer la situation de la collectivité. Un cas de figure à éviter.
Comment procéder ?
Les stratégies possibles s’adaptent aux conditions du marché. L’une d’elles consiste à partir sur un financement à taux variable, mais en figeant par exemple un taux fixe sur les premières années. Cela permet à l’issue de la période à taux fixe et en fonction des conditions du marché, de refinancer les contrats (pour, par exemple, négocier le niveau de marge). La méthode la plus simple est de se financer uniquement à taux variable et de swaper à taux fixe partiellement, soit au sein du même emprunt, soit en distinguant les deux produits. Cette formule ne s’adresse qu’aux collectivités d’une certaine taille et à partir d’un certain niveau d’encours (environ 1 million d’euros).
Il faut aussi négocier les conditions de remboursement anticipé lors d’un emprunt à taux fixe. Les négociations sont difficiles, mais il faut chercher à négocier le montant des pénalités au-delà d’une certaine durée de vie de l’emprunt, en tentant par exemple d’obtenir sur un emprunt à 20 ans, des pénalités plus faibles sur les 8 dernières années.
Quelle est la bonne proportion entre taux fixe et taux variable dans un encours de dette ?
Il n’y a pas de règle ni de ratio idéal, cela dépend des conditions de marché mais aussi de l’encours de la collectivité. En-deçà d’un minimum de 10 % à 15 % de taux variable, la situation est complètement figée. Les collectivités qui disposent de bonnes capacités financières peuvent monter jusqu’à 50 %. Pour les nouveaux encours, je suis beaucoup plus à l’aise pour mener une stratégie avec une collectivité dont la dette comprend autant de taux fixe que de taux indexé, car je pourrais opter pour la solution la plus intéressante. En revanche, avec un encours composé à 95 % de taux fixe, j’aurai tendance à choisir un financement à taux variable même s’il est un peu plus cher de manière à réintroduire de la flexibilité et de la souplesse dans l’encours.
Qu’entendez-vous par bonnes capacités financières ?
L’aptitude à gérer du taux variable dépend de la capacité de la collectivité à absorber des variations de frais financiers. Plus une collectivité dispose de capacités financières (résultat de sa section de fonctionnement), plus elle pourra se permettre d’emprunter à taux indexé, et donc de bénéficier des taux bas quand ils sont bas puisqu’une hausse des taux aura un impact absorbable pour elles.
En revanche, c’est plus compliqué pour les collectivités très tendues budgétairement, car elles doivent éviter de s’exposer à des aléas conjoncturels, telle une sortie de la Grèce de la zone euro.
Qu’apportent les logiciels financiers ?
Avec très peu d’emprunts, une collectivité n’a pas besoin de tels outils. En revanche, ils sont pertinents dès lors que la collectivité a contracté plusieurs prêts, car ils permettent de suivre tous les flux au quotidien avec, par exemple, des alertes sur les échéances, des systèmes de tableaux de bord pour connaître le coût de la dette à taux fixe ou à taux variable, puis de suivre l’évolution de la répartition entre les deux catégories, simuler des chocs en terme de taux d’intérêt…
Étant reliés aux marchés financiers, ces outils sont utiles en cas de projet de financement pour coter un taux fixe avant de lancer une consultation et ainsi négocier en toute connaissance de chose.
Source : La gazette des communes