Notice financière : Modification de la formule du Livret A – Enjeux pour les bailleurs sociaux
Le 14 novembre la formule de détermination du Livret A a été amendée pour la quatrième fois de son histoire. Après plusieurs années d’application de la dérogation à la formule, le Gouvernement a opté pour une nouvelle modification.
Ces diverses manipulations conjoncturelles conduisent à poser l’intérêt même d’une formule de détermination objective d’un indice hautement politique.
Évolution théorique de la formule
1.1. LA FORMULE DEPUIS 2008
Où :
- Les moyennes sont mensuelles et arrêtées en juin et décembre.
- Le résultat étant arrondi au quart de point le plus proche.
Notice : l’arrêté du 10 novembre 2016 fixe la nouvelle formule de calcul du taux du Livret A en ajustant la précédente formule. Plus précisément, il révise le Paragraphe 1 de l’Article 3 du règlement CRBF 86-13 du 14 mai 1986 (cf. Annexe 1) dont les dispositions régissent la méthodologie de calcul du taux du Livret A.
Le a) est remplacé par la disposition suivante :
« La moyenne arithmétique entre la moyenne semestrielle de l’Eonia et l’inflation en France mesurée par la moyenne semestrielle de la variation sur les douze derniers mois connus de l’indice INSEE des prix à la consommation de l’ensemble des ménages»
Le b) est remplacé par la disposition suivante :
« L’inflation mentionnée au a, majorée d’un quart de point, sauf si l’écart entre le taux monétaire et l’inflation mentionnés au a est supérieur à 0,25 % »
1.2. LA NOUVELLE FORMULE PROPOSÉE
Où :
Les moyennes sont semestrielles et arrêtées en juin et décembre.
Le résultat étant arrondi au quart de point le plus proche.
Trois mesures sont ainsi proposées :
- Le lissage sur six mois des références de l’inflation et du taux EONIA utilisées jusqu’à présent ;
- La suppression de la référence au taux EURIBOR 3 Mois ;
- La suspension du surplus de 0,25% ajouté à l’inflation dans le b) de l’article susmentionné lorsque l’écart entre le taux monétaire et l’inflation est supérieur à 25 points de base.
Cette dernière condition équivaut à supprimer la marge sur le floor sur inflation sauf lorsque l’Eonia dépasse l’Inflation de moins de 0,25%.
Projection des impacts économiques et financiers
2.1. APPLICATION VS DÉROGATION
Depuis sa mise en place en 2008, la formule du Livret A n’a pas été appliquée 12 fois sur 18 et n’a jamais été appliquée depuis le 01/02/2013.
Depuis 2009, lorsque la formule a été appliquée, c’est le segment ‘Inflation + 0,25%’ qui a été appliqué. Autrement dit, sauf l’année de sa mise en place, le segment reposant sur la moyenne des indices monétaires et de l’inflation n’a jamais été appliqué.
Depuis février 2010, c’est la partie floor sur inflation qui a été appliquée dans la détermination du taux théorique de la formule.
Ainsi, si la modification de la formule de détermination du taux semble répondre à une réalité économique, il convient d’étudier l’impact des modifications retenues.
2.2. PROJECTION DE LA FORMULE LIVRET A
La modification de la formule ne remet pas en cause son équilibre fondamental : le niveau de l’indice reste une moyenne du niveau des taux monétaires et de l’inflation.
En revanche, l’objectif poursuivi de stabilité de l’indice, passant par une moyenne glissante sur 6 mois, se révèle inefficace à court et moyen terme.
Ainsi, si, en pratique, il semblerait que le lissage sur 6 mois ait un impact limité sur le résultat, la réelle modification est issue de la suppression de la majoration sur le floor. Cette réduction se matérialisant en pratique par une diminution des projections du Livret A de l’ordre de 0.25% à moyen terme, comme le montre le graphique ci-après :
Ainsi, si les forwards de marché conduisent à un Livret A théorique sur la base de l’ancienne formule à 1,00% au 1er août 2017, la suppression de la majoration de 0,25 permettra de maintenir en 2017 le Livret A à 0,75% sur l’exercice, en dépit des tensions sur les inflations.
En effet, ce sont les anticipations de hausse de l’inflation (via la hausse anticipée sur le marché des matières premières) qui pourraient pousser à la hausse le Livret A. Et ce, alors même que les taux monétaires, contenues par la politique de la BCE demeureraient en territoire négatif.
Hors, il est patent que la décorrélation forte entre le Taux du Livret A et le marché monétaire est un obstacle financier pour les emprunteurs de fonds indexés sur le Livret A (Bailleurs sociaux ou collectivités et satellites). Les prêts aidés s’avérant dans le contexte de marché actuel plus coûteux que les prêts de marché.
D’autre part, l’excès de liquidité sur le marché bancaire abaisse les conditions de financement, la concurrence réduisant même significativement les conditions de financements avec ou sans garantie.
Impacts pour les Organismes de logement social
L’inflation est inférieure aux taux monétaires : ce type de situation a globalement été observée de 2000 à 2010, il s’agit de la situation de marché « normale » en théorie économique dans laquelle le temps génère un surcoût par rapport à l’inflation (on parle de taux réel positif).
Dans ce cadre, c’est le segment inflation + taux monétaire qui s’applique. Le coût de la dette des bailleurs devient alors plus fortement corrélé aux évolutions du marché monétaire. Le chiffre d’affaires des bailleurs étant, quant à lui, indexé sur l’IRL, donc sur l’inflation, il s’opère alors une décorrélation progressive des charges/produits en leur défaveur.
L’inflation est supérieure aux taux monétaires : ce type de situation est globalement observée depuis 2010 et la mise en œuvre d’une politique économique expansionniste par la BCE. Ce genre de situation doit être une situation ponctuelle… en théorie…
Nous nous retrouvons ici dans un cas inverse au précédent, l’inflation est supérieure aux taux monétaires, elle devient donc la base de calcul du Livret A. En théorie, l’évolution des loyers sera corrélée au coût de la dette, l’évolution du Livret A aura ainsi un impact relativement limité sur l’autofinancement des organismes de logement social. Cet argument doit être nuancé dans la mesure où les situations d’inflation supérieure aux taux monétaires sont l’expression d’une situation de tensions économiques dans lesquelles le gouvernement pourrait être tenté de suspendre simplement les indexations de loyer.
3.1. PRÉCONISATIONS STRATÉGIQUES
La modification de la formule du Livret A n’est pas suffisamment importante pour remettre en cause les stratégies de rééquilibrage de l’encours pensées par les bailleurs sociaux dans le contexte actuel de taux bas et de Livret A surcoté. La diversification des risques reste une saine pratique de gestion à mettre en œuvre.
3.2. IMPACT SUR LA STRATÉGIE DE COUVERTURE
Certains organismes détiennent en portefeuille des swap indexés sur l’une des anciennes formules du Livret A. Ces swap, lorsqu’ils sont payeurs taux fixe, génèrent actuellement des flux à payer. Mais il génèrent également une surcharge liée au maintien d’un niveau d’indice au-delà des formules théoriques (ce surcoût oscille entre 0 et 0,75% depuis février 2009), c’est ce que l’on appelle la décorrélation.
Or, ces produits financiers, continueront à évoluer en dépit de la modification de la formule récente du Livret A. Pour leurs détenteurs, nous pouvons estimer que, dans la mesure où la formule est appliquée, le taux résultant de la nouvelle formule sera globalement inférieur au taux résultant de la formule précédente. A ce titre, le taux reçu via les opérations de swap pourrait s’avérer supérieur au taux réellement payé sur les sous-jacents. L’impact défavorable lié à la décorrélation pourrait donc se renverser.
En ce qui concerne les swap sans floor, en revanche, l’impact positif pourrait converger vers zéro si les taux monétaires repassaient au dessus de l’inflation.
Ainsi, si la nouvelle formule est bien appliquée, elle pourrait réduire l’impact négatif lié à la décorrélation pour le swap. En revanche, la soulte liée à la détention des swap ne sera pas impactée par la modification de la formule. Autrement dit, la modification de la formule est sans impact sur la valorisation des swap en portefeuille.
En prenant en compte le contexte économique et l’impact de la nouvelle formule, il est raisonnable d’être relativement optimiste quant aux estimations d’évolution du taux du Livret A dans les PMT 10 ans des organismes. Les bailleurs devraient ainsi pouvoir dégager des marges de manœuvre supplémentaires au niveau de leur autofinancement avec une évolution du coût de la dette progressive et modérée dans le temps.
Notice rédigée par : Charlotte VALETTE & David REVERT, Consultants LORE FINANCE
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Références :