Notice financière – La question de la détermination du Livret A
Le Livret A, un indice de marché ou un outil de politique économique ?
Le Livret A est par nature un indice hybride entre un taux de marché et un outil de pilotage de la politique du logement social. Son niveau résulte de la combinaison de différents facteurs influençant la collecte et l’utilisation des fonds avec, pour contrainte, la rémunération des collecteurs et la rémunération de l’Etat actionnaire de la CDC.
Le Livret A est le premier produit d’épargne des Français et à ce titre il constitue un sujet hautement politique. François HOLLANDE avait ainsi inscrit le doublement de son plafond parmi les promesses électorales de 2012 (deux hausses successives de 25% ont été à ce jour réalisées, le gouvernement préférant réorienter l’épargne vers les entreprises (via le PEA-PME) et le financement du logement social étant par ailleurs couvert).
En pratique, le Gouverneur de la Banque de France propose et le gouvernement dispose. Il semblerait que M. Villeroy DE GALHAU ait suggéré d’abaisser le taux du Livret A de 0.75 à 0.50% le 1er août prochain comme le préconisent les indicateurs économiques (inflation à zéro et taux d’intérêts négatifs).
Néanmoins, depuis la création du Livret A en 1818, sa rémunération n’a jamais été inférieure à 0,75%. Franchir ce palier est politiquement risqué, surtout pour un gouvernement de gauche. Toutefois, nous rappelons que si les observateurs redoutaient le franchissement du seuil psychologique de 1%, il a finalement été absorbé par le marché en moins d’un an (comme l’illustre la reprise de la collecte présentée dans le graphique ci-dessous).
La décision de baisse de la rémunération du Livret A, en plus de se justifier par des fondamentaux de marché financier, peut être justifiée par une vision stratégique visant à la ré-allocation de l’épargne vers la consommation. Tout dépendra donc de l’orientation de la campagne présidentielle envisagée par les socialistes.
Ressource et emploi du Livret A
Du point de vue de l’épargnant, la décision de placement en Livret A est strictement liée à l’avantage concurrentiel du rapport rendement/liquidité comparativement aux autres placements disponibles sur le marché. Les ajustements d’allocation sont toujours erratiques (tels des ajustements de marché), comme on a pu l’observer lors de l’abaissement du taux à 0,75% en août 2015. Les épargnants ont arbitré en faveur des assurances vie proposant un taux facial plus élevé, avant de réaliser qu’après impôts et pour une liquidité totale, le Livret A proposait un rendement intéressant dans le contexte de taux et d’inflation extrêmement bas.
Source : Caisse Des Dépôts
Les placements en livret alimentent les Fonds d’épargne gérés par la Caisse des Dépôts. Les Fonds d’épargne financent la politique nationale du logement ainsi que diverses politiques d’investissements prioritaires pour le gouvernement. Ainsi, les bailleurs bénéficient de financements indexés sur le Livret A avec des niveaux de marges directement liés à l’enjeu social des opérations financées.
La rentabilité du Fonds d’épargne est réalisée via la pondération entre les différents financements octroyés.
Les bailleurs bénéficient de financements à très long terme, à un coût ‘modéré’ (Livret A + Marge) pour financer leurs programmes. Leurs structures financières sont donc techniquement fortement corrélées à l’évolution du Livret A. Or, dans un contexte où les taux monétaires sont négatifs et/ou le Livret A, bien qu’ayant été réduit à 0,75%, reste très au-dessus de sa formule d’indexation. Ce niveau génère un coût d’opportunité par rapport à une indexation monétaire (<=> de marché).
Les bailleurs analysent les opportunités d’arbitrage existantes sur le marché afin d’optimiser leur charge financière. Si, en pratique, lorsque les taux montent, le Livret A constitue une indexation plutôt performante, à contrario, lorsque les taux baissent, cette indexation est relativement plus coûteuse (effet retard, plancher psychologique pour les déposants). Il convient donc pour l’emprunteur en Livret A de définir si ce coût d’opportunité est pérenne et d’arbitrer vers des indexations plus performantes si la réponse à la question est positive. Actuellement, de nombreux emprunts Livret A présentent un coût de financement supérieur ou égal au coût moyen observé sur le marché bancaire pour des financements à taux fixe. Autrement dit, la charge budgétaire peut être consolidée par des opérations d’arbitrage sur la durée de vie résiduelle des emprunts.
En pratique, bien que conscient de la surcharge générée par l’encours Livret A, les bailleurs limitent l’ampleur des négociations avec la CDC dans l’optique de maintenir des relations avec leur principal prêteur (techniquement, les bailleurs sont dans une relation de dépendance envers la CDC pour les nouveaux flux, la banque étant le seul opérateur à offrir des financements à très long terme). Toutefois, la pression est forte et le risque de remboursements anticipés de flux rentables est tangible pour la CDC.
Ainsi, du point de vue de l’emploi des fonds, le maintien d’un taux du Livret A au-delà du résultat de sa formule d’application génère des pressions sur la CDC et une surcharge de frais financiers pour les OLS.
Conclusion
A ce stade, fort du constat de l’impact limité de la baisse du taux du Livret A en août dernier et dans l’optique de limiter les opérations de refinancement des utilisateurs du Fonds d’épargne, le gouvernement pourrait suivre les préconisations du gouverneur de la Banque de France.
Le danger plus que politique nous semblerait lié à l’effet d’aubaine généré par un contexte de taux très bas : certains projets trop peu rentables pourraient être mis en œuvre et fragiliser significativement la structure financière des bailleurs à terme lors d’une potentielle (et espérée) montée des taux.
Lore Finance estime donc à 70 % la probabilité que le taux du Livret A baisse à 0,5% au 1er août et vous invite à faire part de vos anticipations.
Arguments en faveur d’une baisse du Livret A
- La formule de détermination de l’indice aboutit à un Livret A à 0,25%
- Pression des bailleurs sur les Fonds d’épargne par des opérations de remboursement anticipé de l’encours Livret A. Il s’agit de diminuer le coût d’opportunité pour les emprunteurs de la détention de dette Livret A par rapport à de la dette monétaire.
Arguments en faveur du maintien du Livret A
- Limitation du mouvement de décollecte. Le gouvernement peut utiliser le maintien du rendement du Livret A comme un argument politique en faveur de l’épargne Populaire.
- D’un point de vue micro, les projets équilibrés financièrement sur la base des niveaux du Livret A historique (très supérieur au niveau actuel) restent des projets rentables. L’économie de frais liés à la baisse du Livret A n’est qu’un atout pour l’autofinancement des structures. Une baisse des taux pourraient encourager la mise en œuvre de projets peu rentables qui pourraient déclencher des difficultés financières en cas de hausse du Livret A mal anticipée.
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Rédigé par : Charlotte VALETTE, Consultante Lore finance